Alain Gerbel, président de la Fnof : « La PPL Cigolotti n’a pas de sens et aucune chance d’aboutir » (1/2)

Publié le 12/01/2017

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Le sénateur Olivier Cigolotti a présenté, avec son collègue Pierre Medevielle, une PPL portant sur la santé visuelle qui prévoit notamment d’allonger la formation des opticiens et de créer un master de « cadre en santé visuelle ». Alain Gerbel, président de la Fnof, réagit pour L’OL [MAG] à cette initiative, en détaillant le travail qu’il mène de son côté pour établir une filière de santé visuelle capable de prendre en charge les patients, aujourd’hui et demain.

 

Quel est votre point de vue sur cette initiative ?

D’abord, je tiens à souligner que je n’ai jamais rencontré Monsieur Olivier Cigolotti. Les parlementaires ont, et c’est normal, la possibilité de déposer des propositions de loi. Mais j’estime que la moindre des choses est qu’ils rencontrent en amont directement les professionnels concernés. Ensuite, j’estime que cette PPL n’a pas de sens et ne répond pas à une demande de la profession. Aujourd’hui, il faut penser à la mise en place d’une filière et, dans ce but, poser les bonnes questions, avant de faire des propositions purement politiques et sans intérêt. Cette PPL n’a d’après moi aucune chance d’aboutir.

 

Quelles sont donc, selon vous, les bonnes questions à se poser ?

La question de fond est « comment prendre en charge la santé visuelle des Français ? » : qui doit faire quoi, comment, avec quels moyens ? Les pouvoirs publics, les ophtalmologistes, les orthoptistes et les opticiens ont désormais trouvé un terrain d’entente et c’est à eux de décider. Si Monsieur Olivier Cigolotti veut travailler dans ce cadre, il est le bienvenu.

 

De votre côté, travaillez-vous-en ce sens avec d’autres élus ?

Il y a au moins deux autres PPL en cours de réflexion mais ce n’est pas le moment : nous aurons un nouveau président dans 4 mois, une nouvelle Assemblée dans 6 mois et, dans 9 mois, 50% du Sénat sera renouvelé. Dans ce contexte, ce qu’il faut faire aujourd’hui, c’est sensibiliser les parlementaires et les candidats à l’élection présidentielle aux questions de santé visuelle. Ils doivent notamment être plus précis sur leurs propositions, par exemple quand ils promettent un remboursement à 100% des lunettes : 100% de quoi, dans quelles conditions ? Nous avons rencontré plusieurs élus pour leur présenter la Démarche en santé visuelle, soutenue par le Snof et le Gifo, et travaillons à l’élaboration d’un document plus dense expliquant en détails les solutions que nous proposons.

 

Quelles pourraient être ces solutions ?

La filière visuelle que nous appelons de nos vœux doit répondre aux besoins de la population. Au-delà de la pénurie d’ophtalmologistes, d’autres problématiques se développent : le vieillissement de la population, les inégalités régionales d’accès aux soins, la protection contre la lumière bleue, l’arrivée de nouveaux modes de compensation… Pour toutes ces raisons, il faudra faire évoluer la formation des opticiens. La réforme ne doit pas exclusivement porter sur la création de nouveaux postes ou de nouveaux titres comme le propose Monsieur Olivier Cigolotti, mais sur des objectifs de santé publique. En ce moment, les opticiens et les orthoptistes travaillent côte à côte, sans savoir ce qu’ils font mutuellement, alors qu’ils sont faits pour travailler ensemble. Pour ne citer qu’un exemple, 3 des 5 orientations DPC des opticiens sont communes avec celles des orthoptistes. Il faut mettre en place une formation commune, c’est urgent. On ne peut pas avancer par petites touches ni décider de manière unilatérale avant même d’avoir défini les objectifs.

 

Quelles seraient les prochaines étapes ?

Il faut analyser les besoins de la filière dans les 5 à 10 ans en fonction des objectifs de santé publique. Ce travail, nous l’avons fait dans le cadre de la Démarche en santé visuelle et du référentiel métier que nous avons présenté aux pouvoirs publics en juin 2015. Ensuite, il faut définir l’offre de formation la plus pertinente puis, dans un délai court, mettre en place les moyens financiers et humains pour que les professionnels puissent accéder à ces nouveaux modes de formation, y compris ceux qui sont déjà diplômés.

 

Le décret du 12 octobre 2016 n’est donc pas une fin mais un début ?

Les ophtalmologistes ont accepté que la réfraction soit une partie de l’ADN de l’opticien : on doit avoir le droit de l’utiliser. Nous avons obtenu le renouvellement des équipements : il faut désormais aller plus loin et l’étendre à d’autres moyens de compensation. Il faut une petite révolution, au niveau du ministère de l’Education nationale et du ministère de la Santé. La filière doit se constituer, de manière horizontale et non plus verticale, à partir des professionnels de santé qui sont d’accord pour envisager un avenir commun.

 

L’OL [MAG] a également interrogé Alain Gerbel sur les implications de la généralisation du tiers payant dans notre secteur. La 2ème partie de son interview sera publiée vendredi 13 janvier.

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