Projet de loi Hamon et vente sur Internet : les syndicats mettent la pression sur les pouvoirs publics

Publié le 16/12/2013

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L’Assemblée nationale poursuit ce 16 décembre après-midi, en séance publique, l’examen en seconde lecture du projet de loi sur la consommation qui vise entre autres, dans notre domaine, à faciliter la vente de produits optiques sur Internet dans l’espoir de faire baisser les prix et à prolonger à 5 ans le délai de validité d’une ordonnance de verres correcteurs. Après les réactions du Synope (Syndicat des opticiens entrepreneurs) et du Synom (Syndicat national des centres d’optique mutualistes), les organisations professionnelles continuent de faire entendre leur voix.

A l’occasion d’une conférence de presse organisée vendredi 13 décembre, la Fnof (Fédération nationale des opticiens de France), par la voix de son président Alain Gerbel, a estimé que «les lunettes seront peut-être moins chères demain», mais que cette baisse de prix «ne compensera pas l’augmentation constante des cotisations des Ocam ; Le consommateur ne sera pas gagnant.» Le syndicat regrette qu’aucun texte n’aborde les questions des frais de gestion des plateformes mises en place par les complémentaires santé, «qui s’inscrivent dans une logique financière et non de protection sociale au service des citoyens.» Les réseaux associés au développement de la vente en ligne, tous deux encouragés par le gouvernement impliqueront «une délocalisation de l’optique du service visuel rendu au patient, les systèmes informatiques tels qu’OptoAMC y contribuant, en permettant la libre circulation des  fichiers clients.» La Fnof, qui soutient «l’opticien de proximité, avec  un système basé sur la relation et la présence des opticiens sur l’ensemble du territoire», estime qu’on refuse la parole à la profession. Rappelant le rôle de cette dernière en matière d’équipement des bénéficiaires de la CMU, sur la base d’un tarif inchangé depuis 1999, Alain Gerbel demande «comment les pure-players pourront-ils assurer cette solidarité ?» Revenant sur l’article 17 quater du projet de loi Hamon, qui vise à annuler l’obligation de diplôme pour la direction ou la gestion d’un magasin d’optique et à  imposer une ordonnance pour la délivrance de verres correcteurs, y compris au plus de 16 ans, il constate que «on cherche d’un côté un système plus efficient mais, de l’autre, on prévoit des textes empêchant l’accès aux soins.» Dans ce contexte, la Fnof défend un système de santé visuel ouvert à tous, animé par une politique ambitieuse, qu’il convient de définir autour «d’une table ronde réunissant tous les acteurs, y compris les Ocam, et qui avait d’ailleurs été promise par Marisol Touraine. La Fnof assure par ailleurs que tous les textes actuellement en débat (PPL Le Roux, projet de loi Hamon…) sont instables juridiquement, et annonce que des parlementaires feront des recours en temps voulu auprès du Conseil constitutionnel.

Dans un courrier aux députés, l’AOF (Association des optométristes de France) souligne que l’extension à 5 ans du délai de validité d’une ordonnance, «va à l’encontre la santé de la population : l’opticien-lunetier (BTS : Bac +2) n’est pas compétent au niveau du dépistage, le patient ne verra un professionnel formé au dépistage que tous les 8 à 9 ans.» Par contre, si l’opticien est qualifié en optométrie (Master ou Diplôme Européen d’Optométrie : BAC +5), la sécurité sanitaire est assurée. » Le syndicat souligne aussi que seul l’opticien « physique» peut vérifier les acuités visuelles.  «La vente par internet doit se limiter à la fourniture d’un équipement avec une prescription d’un ophtalmologiste ou d’un optométriste datant de moins d’un an pour un adulte et de moins de 6 mois pour une personne de moins de 16 ans.» Enfin, pour l’AOF, l’introduction d’une ordonnance obligatoire pour les plus de 16 ans est «une modification inacceptable de la loi actuelle. Cette mesure va à l’encontre de l’amélioration de l’accès aux soins et des économies de santé. L’opticien «physique» doit pouvoir continuer à fournir un équipement optique après un examen réalisé sous sa responsabilité comme c’est le cas aujourd’hui.»

L’UDO (Union des opticiens) constate pour sa part que «la profession, une fois encore est l’objet d’attaques multiples et variées, en provenance de différents acteurs qui utilisent l’actualité pour défendre des intérêts commerciaux.» Le syndicat rappelle que «la délivrance des équipements optiques au-delà de 16 ans est une compétence définie dans le code de la santé publique, et que rendre obligatoire une ordonnance pour les lunettes contribue à bloquer la situation.» Il ajoute que «la prise de mesure est réalisée par un opticien formé qui s’engage auprès du consommateur en garantissant l’adaptation de l’équipement.» L’UDO souligne que «la plupart des magasins proposent une offre à partir de 29€ en verres simples et 89€ en verres progressifs, certaines enseignes au positionnement «low cost» vendant plus de 20% de ces offres.  La liberté de choix du consommateur doit être la priorité de toute la profession, le consommateur français a la chance d’avoir historiquement accès à des équipements de qualité, grâce à la R&D des verriers. La distribution dans le secteur optique évoluera vers une offre multicanal : magasins, vente sur le net etc… comme dans les autres secteurs du commerce. Les opticiens français ne doivent pas craindre cela, même dans les pays européens les plus avancés pour le commerce en ligne, comme la Grande Bretagne, moins de 5% des lunettes sont vendues sur le net. En revanche pour garantir la sécurité des consommateurs, il est nécessaire que la règlementation soit la même pour tous les modes de distribution, la qualité des produits et du service fera la différence.» Dans ce contexte, l’organisation plaide pour une évolution de la formation initiale dans le cadre du dispositif LMD selon un modèle majoritaire européen.

Le Snof (Syndicat national des ophtalmologistes de France) «demande en urgence au Premier ministre d’arbitrer entre la libéralisation du marché de l’optique et la protection de la santé des Français.» Pour son président Jean-Bernard Rottier, «il est temps de choisir entre démédicaliser la filière visuelle au mépris des principes fondamentaux de santé publique ou libéraliser les marchés liés à la distribution des lunettes et des lentilles de contact.» Dans un courrier adressé vendredi 13 décembre à Jean-Marc Ayrault, il alerte celui-ci sur les conséquences de l’allongement de la durée de validité des prescriptions pour les lunettes correctrices, l’encadrement de la vente de lentilles, «qui semble prendre aujourd’hui la voie d’une délivrance autorisée en l’absence d’une ordonnance.» «De plus, l’adoption d’amendements imposant l’inscription de l’écart pupillaire sur les ordonnances que les ophtalmologistes fournissent à leurs patients les conduirait à s’inscrire dans une chaîne de responsabilité qui relève des seuls opticiens», souligne le Snof. 

 

L’Opticien-Lunetier vous tiendra informé de la suite des débats sur les dispositions optique du projet de loi sur la consommation. 

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