La Cour des comptes veut confier le droit de prescription aux opticiens

Publié le 05/10/2018

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Publié le 4 octobre, le rapport annuel de la Cour des comptes sur l’application des lois de financement de la Sécurité sociale consacre un chapitre entier aux soins visuels, qu’il suggère de réformer largement en confiant de nouvelles prérogatives aux opticiens, sous certaines conditions.

 

Le document constate que, dans le domaine de la santé visuelle, la population est confrontée à de fortes inégalités d’accès aux soins d’ordres géographique et financier, qui risquent de s’aggraver avec la baisse démographique des ophtalmologistes. « Malgré une forte augmentation des dépenses (en ophtalmologie, en orthoptie et en optique médicale, ndlr), les besoins de la population en soins visuels sont inégalement couverts. Au-delà de la mise en place annoncée d’offres d’équipements d’optique médicale sans reste à charge, la définition par les pouvoirs publics d’une politique d’ensemble des soins visuels s’impose désormais », explique la Cour des comptes. Son rapport estime que les récentes extensions des compétences des opticiens et des orthoptistes n’ont eu que des effets marginaux et que les innovations organisationnelles (comme le développement du travail aidé dans les cabinets d’ophtalmologistes) n’ont qu’une portée limitée. Dans ce contexte, il préconise de définir une politique d’ensemble des soins visuels qui, au-delà de la réforme du RAC 0, doit conjuguer prévention accrue, amélioration de la qualité des prises en charge, maîtrise renforcée des coûts (notamment des dépassements d’honoraires des ophtalmologistes et du prix des lunettes) et amélioration de l’accès aux soins grâce à une redéfinition des périmètres respectifs d’intervention des professionnels de la filière visuelle.

 

De nouvelles compétences sans conflit d’intérêt

La Cour des comptes estime ainsi que le rôle des opticiens-lunetiers devrait être élargi à la prescription en première intention des équipements d’optique médicale, sous réserve d’une formation complémentaire de niveau master leur permettant d’acquérir des compétences en optométrie et en diagnostic clinique des troubles de la réfraction. « Afin de prévenir des conflits d’intérêt, un patient ne pourrait acquérir un équipement d’optique dans le point de vente où il lui a été prescrit. Cette extension du champ de compétence des opticiens-lunetiers justifierait une réingénierie globale de leur formation initiale, voire son attribution à l’université », précise le rapport. Il préconise également de confier les consultations simples de premier recours et les bilans visuels aux orthoptistes, qu’ils exercent dans un cabinet d’ophtalmologue en tant que salarié ou dans leur propre cabinet en libéral. Cette extension du champ de compétences des orthoptistes serait réservée à ceux qui entreprendraient une formation complémentaire de niveau master, conformément à la définition des pratiques avancées. Enfin, la Cour des comptes propose que des formations complémentaires, notamment dans le domaine clinique, soient proposées à titre transitoire aux optométristes en activité afin de leur permettre, dans des conditions juridiques sécurisées, de prendre en charge des troubles de la réfraction dans les mêmes conditions que ceux des opticiens-lunetiers dont la formation serait approfondie. « Cette évolution ne conduirait pas à reconnaître la profession d’optométriste dans le code de la santé publique, mais à intégrer les optométristes ayant approfondi leur formation à l’étage de la profession d’opticien-lunetier correspondant au plus haut niveau de formation », souligne l’institution.

 

La démographie des ophtalmologistes justifie une réforme

Revenant sur les arguments des opposants à l’extension du champ d’intervention des orthoptistes et des opticiens, le rapport indique que « la préservation du rôle central de l’ophtalmologue pour la prise en charge de l’ensemble des soins visuels, quelle que soit la complexité de la situation des patients, n’apparaît pas compatible avec les retards de prise en charge d’ores et déjà constatés pour une partie d’entre eux, ni, a fortiori, avec la chute prévisible des effectifs d’ophtalmologistes et, plus encore, du temps médical qu’ils pourront consacrer à chaque patient, au cours des quinze prochaines années. En tout état de cause, ces extensions des champs de compétences des orthoptistes et des opticiens-lunetiers seraient limitées à la prise en charge de situations simples. En cas de présomption de situations excédant leur champ de compétences ainsi élargi, ils devraient obligatoirement adresser les patients concernés à un ophtalmologiste ». Sous réserve d’une adaptation du contenu et de la durée des formations des orthoptistes et des opticiens-lunetiers, du temps médical pourrait alors être libéré et l’intervention des médecins se réorienter vers des actes à plus forte valeur médicale, notamment les situations pathologiques et les interventions chirurgicales.

 

Notons que l’avis de la Cour des comptes n’est que consultatif : le gouvernement n’a aucune obligation de suivre ses recommandations. Elle a par exemple plusieurs fois préconisé le déremboursement de l’optique par l’Assurance maladie, sans que cela soit suivi d’effet.

 

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