Les réseaux de soins peuvent-ils imposer un contrat standard aux professionnels ? Une commission du gouvernement rend son avis

Publié le 06/07/2021

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Saisie en 2019 par le SDA (Syndicat des audioprothésistes) dans le cadre du conventionnement Kalivia, la Commission d’examen des pratiques commerciales (CEPC, qui dépend du ministère de l’Economie), vient d’estimer que, s’il est possible de démontrer l’absence de négociation des conditions fixées par les réseaux, le contrat de partenariat pourrait être qualifié de « contrat d’adhésion » au sens du nouveau droit des contrats. Cette possibilité ouvrirait la voie à la contestation, devant les tribunaux, de certaines clauses susceptibles de créer un « déséquilibre significatif ».

 

A la suite du rapport de l’Igas, qui avait demandé « une action corrective immédiate » sur les contrats des réseaux de soins, le SDA a saisi la CEPC le 15 mai 2019 afin qu’elle donne son avis sur les clauses litigieuses de la plateforme Kalivia. L’Igas avait en effet pointé du doigt diverses clauses jugées déséquilibrées, comme celle déportant l’ensemble des responsabilités sur le professionnel de santé sans que la plateforme n’ait de réelle obligation, celle prévoyant un pouvoir de sanction unilatéral de Kalivia envers les audioprothésistes du réseau, des contraintes financières excessives ou encore des conditions de résiliation très avantageuses pour Kalivia. Après deux ans d’instruction, la CEPC a rendu son avis le 15 avril 2021 et l’a récemment publié.

 

La Commission ne prend pas de position tranchée

L’avis analyse avec précision la relation entre audioprothésistes adhérents et réseaux de soins au regard du code de commerce, du code civil (dispositions relatives aux contrats) et du droit de la concurrence. Il reprend largement la position de l’Autorité de la concurrence qui s’est à plusieurs reprises montrée favorable aux plateformes. La CEPC estime ainsi que « si les audioprothésistes concernés démontraient (…) que certaines clauses – pour autant qu’elles ne portent pas sur le prix ou sur l’objet principal du contrat – n’étaient pas négociables », ils seraient fondés à les contester en justice sur la base de l’article 1171 du Code civil. Celui-ci dispose que, « dans un contrat d’adhésion, toute clause non négociable, déterminée à l’avance par l’une des parties, qui crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat est réputée non écrite. L’appréciation du déséquilibre significatif ne porte ni sur l’objet principal du contrat ni sur l’adéquation du prix à la prestation ». La CEPC ne tranche cependant pas sur le fond : « En l’état limité des éléments de fait en possession de la Commission, il est impossible de se prononcer avec certitude sur la possibilité qu’ont les audioprothésistes d’effectivement négocier les clauses litigieuses ou pas ». Concernant le déséquilibre significatif, elle rappelle que la cour d’appel de Paris, dans son arrêt du 19 décembre 2018, a estimé que l’achat annuel de 36 montures à un prix correspondant au marché, alors que le nombre annuel moyen de montures est de 1 000, ne pouvait être considéré comme constituant un déséquilibre dans les droits et les obligations des parties, sauf pour les opticiens spécialisés dans l’enfant.

 

Déception du SDA

Dans un communiqué du 6 juillet, le syndicat regrette le « délai inhabituel du traitement de la demande » et le fait que la CEPC n’a pas jugé utile d’interroger les rapporteurs de l’Igas. Le SDA critique aussi l’absence d’analyse de fond des clauses mentionnées comme problématiques dans la saisine (qui reprenaient celles relevées par l’Igas). L’organisation souligne tout de même que la commission « estime que les plateformes de réseaux de soins ne peuvent pas imposer un contrat standard non négociable aux audioprothésistes (…) L’avis remet ainsi en cause l’ensemble des modalités de contractualisation des plateformes, qui imposent leurs conditions sans aucune négociation ». Le SDA en conclut qu’elles « doivent, quoi qu’il en soit, revoir l’ensemble de la négociation des relations contractuelles avec les professionnels de santé pour se conformer au présent avis de la CEPC ».

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